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Ceci est un (presque) journal. Attention : peut mordre.

Mardi 28 mai 2013 à 14:38

 Le loup végétarien et ses deux imbéciles de frères

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Il était une fois, dans une forêt aux arbres centenaires et à la rivière d’eau limpide, une maman loup qui avait bien du mal à éduquer ses trois fils. L’ainé, plus bête que ses pattes pouvait passer des après-midis entiers à tourner dans les fougères en essayant de se mordre la queue. Le cadet, paresseux, restait assis contre un tronc toute la journée à observer les écureuils espérant que l’un d'eux tombe dans sa gueule. Enfin, le benjamin faisait la honte de la famille.

Tout avait commencé le premier jour du printemps.

Ce jour-là, Madame hirondelle s’était posée sur la branche d’un vieux chêne afin de se reposer après avoir survolé la forêt en long, en large et en travers (et oui, Madame hirondelle avait quelques kilos superflus à faire disparaître). Elle assista sans le vouloir à la naissance du petit louveteau, le troisième de la lignée pour être plus précis. Curieuse de savoir quel serait le défaut de celui-ci, elle resta à observer la petite famille jusqu’au coucher du soleil. Les premiers pas du petit furent chaotiques mais néanmoins il mit moins de temps à se mettre sur pattes que ses deux imbéciles de frères. La scène aurait pu paraître émouvante et Madame hirondelle aurait bien pu verser quelques larmes si le souvenir de son amie Mademoiselle biche, tuée deux semaines auparavant par la mère d’un coup de mâchoires, ne lui était pas resté au travers de la gorge. Une bonne dizaine de minutes après être venu au monde, le louveteau fit comprendre qu’il avait faim. Maman loup se coucha donc sur le côté pour lui permettre d’atteindre les tétines mais apparemment, le lait ne semblait pas convenir au nouveau-né. Maman loup disparut alors dans la forêt à la recherche d’une petite proie pour le rassasier. Au loin on entendit des battements d’ailes et en moins de deux, la louve était là, déposant devant le petit un volatile. C’était Madame colombe, ce qui fit sourire Madame hirondelle. Celle-là au moins on ne l’entendrait plus chanter à longueur de journée. Le louveteau renifla l’oiseau, souleva l’une des ailes avec sa patte droite et fit un bond en arrière lorsqu’elle retomba. Finalement, après l’avoir inspecté sous toutes ses coutures, il enfonça ses dents dans la chair. Il arracha un petit morceau du flanc qu’il mâcha lentement mais qu’il recracha avant d’avaler. Maman loup croyant que c’était simplement la saveur de la colombe qui ne lui convenait pas alla chercher un lapin. Mais il recracha. Un furet. Pareil. Une biche. Idem. Madame hirondelle du haut de sa branche riait aux éclats et lorsqu’il fut sûr que le petit était incapable de manger de la viande, elle vola le plus vite possible l’annoncer à ses amis.

La rumeur d’un loup végétarien s’était répandue très vite parmi les habitants de la forêt et il n’était pas rare d’entendre des moqueries en tous genres au détour d’une clairière ou sur la rive de la rivière de la part des lapins et des canards. Les plus cyniques prétendaient que c’était car ses dents étaient de mauvaise qualité. Pire encore, certains affirmaient que c’était parce qu’il n’était pas un vrai loup.

~ ~ ~ ~ ~ ~

Quatre années s’étaient écoulées et devant les sarcasmes incessants des autres animaux, Maman loup avait décidé de frapper un grand coup. Elle devait leur prouver à tous que ses fils étaient capables d’être de vrais prédateurs. Aussi elle convint que chacun d’eux auraient à remplir une mission.

L’ainé fut chargé de tuer les sept fils de Madame la chèvre, le cadet hérita de la lourde tâche de lui ramener les trois petits cochons et elle ordonna au benjamin d’aller dévorer le petit chaperon rouge.

C’est ainsi que le lendemain, le loup plus bête que ses pattes prit la direction de la maison de Madame chèvre. Lorsqu’il arriva devant la petite bâtisse de briques, il aperçut de la lumière et vit passer la chèvre devant l’une des fenêtres.

« Non de non, se dit le loup, je ne vais pas pouvoir tuer les sept petits chevreaux si la mère est dans le coin ! ».

Il retourna donc chez lui où l’attendait impatients sa mère et ses deux frères.
-Et bien mon fils, tu es vraiment très rapide ! Je suis fière de toi ! Qu’on ne s’amuse plus à dire que tu n’es qu’un idiot ! déclara maman loup haut et fort.
-Mais je n’ai rien fait. Madame chèvre était chez elle !
-Comment ? Que dis-tu ?
-Je ne pensais pas qu’elle serait là. Je ne savais pas quoi faire alors je suis rentré. Dit l’ainé en baissant la tête.
-Mais il fallait attendre devant la maison voyons ! Elle aurait bien fini par sortir, ne serait-ce que pour aller chercher de quoi manger ! Va te cacher derrière un buisson et guette la porte d’entrée. Dès que tu vois qu’elle est partie va tuer les petits.

Et sans dire un mot, le loup obéit. Il courut aussi vite que possible, se cacha derrière un buisson et observa la porte d’entrée. Celle-ci finit par s’ouvrir et lorsque Madame chèvre ne fut plus qu’une ombre dans la forêt, il s’avança vers la maison. Il essaya d’entrer mais ce fut un échec. La chèvre avait fermé à clé. Il dit alors de sa grosse voix « Je suis maman chèvre, ouvrez-moi la porte » ce à quoi les chevreaux répondirent « non, non, ta voix est grave, celle de maman est toute douce. Tu es le loup ! Tu es le loup ! Va-t-en ! ».

Ne sachant que faire une nouvelle fois, il alla voir sa mère qui lui conseilla d’aller voler un pot de miel chez l’épicier et d’en absorber deux-trois cuillérées afin d’obtenir une voix plus aigüe. Ce qu’il fit sur le champ et lorsqu’il s’adressa de nouveau aux chevreaux, voilà ce qu’il eut comme réponse : « non, non tu as la patte noire, celle de maman est toute blanche. Tu es le loup ! Tu es le loup ! Va-t-en ! ». Ironie du sort, le loup plus bête que ses pattes venait d’être trahi par l’une de ses pattes justement qui était restée appuyée sur le carreau! Cette fois-ci, maman loup lui suggéra de recouvrir sa patte de farine.

Sans attendre, il alla voler la farine du boulanger et se roula dedans. Les lapins qui assistaient à la scène hurlaient de rire, se tordant dans tous les sens. Mais lorsque le loup entra dans la maison, tous retinrent leur souffle et les rires laissèrent place au silence le plus total. Quelques minutes passèrent, et bientôt, les mamans lapins ordonnèrent à leurs petits de rentrer au terrier, se doutant que ce qui allait suivre n’était pas quelque chose que les enfants devaient voir. Et elles avaient raison. Quand le loup sortit, son ventre était énorme et les lapins poussèrent un cri d’horreur.

Il s’accorda une sieste sous un arbre et à son réveil, il rentra fièrement chez lui.

Maman loup le félicita et au dîner, il eut droit à un festin. La nuit tomba et alors que tout le monde dormait, une terrible crampe d’estomac le réveilla en sursaut. Discrètement, il se leva, alla se cacher dans la forêt et vomît six énormes pierres.

~ ~ ~ ~ ~ ~

Le lendemain la famille se leva aux aurores et le cadet ne cessa de bailler pendant le petit-déjeuner au plus grand désespoir de sa mère.
-Tu ne sais donc faire que ça bailler, souffler… ? demanda-t-elle
-Euh je ne sais pas moi, je ne me suis jamais posé la question.
-Bien bien tant pis, finis vite ton lièvre et va t’attaquer aux trois cochons.

Une heure plus tard, le cadet arriva devant les maisons des cochons : une maison de paille, une maison de bois et une maison de briques. Il se gratta la tête, fit le tour des habitations, essayant de trouver une idée pour atteindre leurs propriétaires cloitrés à l’intérieur. C’est alors qu’en baillant, il eut la solution : « il me suffit de souffler dessus ! ». Ce qu’il fit sans plus attendre. La maison de paille s’envola sans trop d’effort à faire de la part du loup, pour celle en bois, il dut s’y prendre à plusieurs fois mais elle aussi finit par céder. En revanche, il ne vint pas à bout des briques et une quinte de toux faillit bien l’achever, le loup ne sachant pas tousser et respirer en même temps. Il finit tout de même par se remettre de cette mésaventure et entreprit d’escalader la maison dans le but de rentrer par le conduit de cheminée. Il était fier de lui, persuadé que sa mère le féliciterait, que plus personne n’oserait se payer sa tête. Les parois du conduit étaient tellement couvertes de suie que la fourrure du loup vira au noir. Le loup vit enfin de la lumière et en moins de trente secondes, le cri qu’il poussa passa d’un cri de victoire à un cri de douleur. En effet, les trois petits cochons qui se tenaient debout dans le salon ayant entendu du bruit avaient disposé une marmite d’eau bouillante dans la cheminée. Le loup bondit hors de la cheminée et quitta la maison la queue à moitié brûlée.

L’échec cuisant de son deuxième fils fit rager madame loup qui décida de se venger en égorgeant panpan le lapin.

~ ~ ~ ~ ~ ~

A peine le soleil fut-il levé le lendemain qu’elle secoua le loup végétarien en lui rappelant que c’était à présent son tour d’essayer de sauver la dignité de sa famille en tuant le petit chaperon rouge. Ce dernier déglutit avec difficulté en s’imaginant les crocs plantés dans le cou de la fillette et partit dans la forêt sans même avaler son petit déjeuner composé de diverses herbes et plantes.

Il marchait depuis environ trois heures quand un chant mélodieux parvint à ses oreilles. Il huma l’air afin d’y percevoir une odeur humaine et ses narines furent chatouillées par un délicieux parfum de gâteau et de fromage. Il s’approcha plus près et distingua entre les arbres le petit chaperon rouge sautillant avec à son bras un panier bien rempli. A pas de loups, il se faufila dans les herbes hautes et lorsqu’il fut à moins de 3 mètres d’elle, il se redressa pour lui faire face.

-OH ! Un loup ! s’écria le petit chaperon rouge tétanisée. Je t’en supplie, grand-maman est malade, je dois lui apporter ça pour qu’elle guérisse ! Ne me fais pas de mal !

Le loup, ému par les larmes qui commençaient à couler le long des joues de la fillette, lui répondit de sa petite voix :

-Non, je te promets que je ne vais pas te dévorer. C’est ma mère qui veut que je t’attaque, moi, je n’en ai aucune envie, je suis un loup pacifiste tu sais !
-Un loup pacifiste ? C’est quoi ça ? demanda la fillette en se baissant pour caresser son pelage gris.
-Je suis végétarien, je n’ai besoin de tuer personne pour me nourrir. D’ailleurs, je n’ai jamais levé la patte sur personne.
-Oh ! C’est donc de ta famille que tout le monde se moque ! Ils disent que vous êtes des ermites et qu’une malédiction a été lancée sur vous !
-Oui, c’est bien ça. Ma mère a dit que si je te tuais alors les rumeurs cesseraient de circuler.
-Mais qu’est-ce que ça peut faire si les autres rient de vous ? Vous êtes comme vous êtes pas vrai ? Ca ne servirait à rien de changer juste pour faire taire les mauvaises langues.
-Ma mère est féroce, elle ne supporte pas qu’on la critique. J’ai peur qu’elle se mette très très en colère si tout ça continue et qu’elle fasse un massacre dans la forêt…
-J’ai une idée ! Prends mon bonnet rouge ! Tu le donneras à ta mère et comme ça, elle pensera que tu m’as mangée !
-Oui mais si les autres s’aperçoivent que tu es toujours là ça sera encore pire !
-Eh bien je mettrai un bonnet bleu ! Tous les animaux croiront qu’il y a un nouveau petit chaperon dans le village !
-Mais non, ça ne marchera jamais. Tant pis, je préfère rentrer chez moi et lui dire que j’ai échoué mais préviens les autres qu’ils restent bien cachés chez eux au cas où elle décide de jouer de ses crocs ce soir.
-D’accord, c’est comme tu voudras. Mais d’abord je vais porter ça à grand-maman.
-C’est quoi ? Des petits gâteaux, du fromage et ?
-De la confiture, elle adore la confiture !
-Mais ce n’est pas avec ça que tu vas réussir à la guérir !
-Ah bon ? Mais alors qu’est-ce que je dois faire ?
-Je vais te montrer.

Pendant plusieurs heures, le loup et le petit chaperon arpentèrent la forêt à la recherche de certaines herbes et plantes. Le loup les connaissait toutes par cœur et il concocta un remède ultra puissant pour soigner la grand-mère avant de le donner à la fillette et de rentrer chez lui.

Sa mère l’attendait et dès qu’elle l’aperçut, elle s’empressa de l’interroger. Le loup n’eut d’autres choix que d’avouer sa défaite et la mère, épuisée et résignée, partit se coucher sans pousser le moindre sermon.

~ ~ ~ ~ ~ ~

Le lendemain, quand elle ouvrit les yeux, une centaine d’animaux se pressaient devant leur tanière. Intriguée, elle se leva et longea la longue file pour arriver devant son 3ème fils qui remuait une grande cuillère en bois dans une marmite.

-Mais que diable fais-tu donc ?! hurla-t-elle exaspérée.

C’est alors qu’un hibou s’avança vers elle.

-Votre fils est formidable, il parvient à guérir tous les animaux malades avec ses plantes et ses herbes, c’est fabuleux ! C’est vraiment un trésor que vous nous avez caché !

Maman loup se racla la gorge, choquée des propos qu’elle venait d’entendre et fit comme si elle était au courant des talents de son fils.

-Eh bien oui, notre famille possède depuis des générations les savoir-faire médicinaux les plus élaborés.

Depuis ce jour, la famille des loups n’avait plus jamais entendu de moqueries de la part des autres animaux qui venaient régulièrement chercher des médicaments pour soigner leurs bobos quotidiens. Le petit chaperon rouge avait gardé son bonnet rouge et elle passait régulièrement à la tanière pour jouer avec les trois frères. Des obsèques avaient été organisées pour panpan et Bambi avait promis de faire régner la paix dans la forêt.

 Fin.

PS : après plusieurs fois de régime intensif, Madame hirondelle avait retrouvé la ligne.

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